“Pas de jugement, bienveillance et écoute”, le quotidien d’un médiateur pour le climat scolaire dans des collèges de Seine-et-Marne
Patience, écoute et bienveillance sont les maîtres mots de Julien Courtalon, médiateur pour le climat scolaire dans deux collèges de Seine-et-Marne. Afin de prévenir le harcèlement et le décrochage scolaire, son rôle consiste à être présent pour les jeunes, pas à les sanctionner.
Julien Courtalon est le seul adulte des collèges où il travaille que les élèves peuvent tutoyer. Son approche ouverte et empathique lui a permis de gagner la confiance des élèves qui se tournent vers lui pour tout type de problème interne ou externe à l’établissement. “Parfois les élèves arrivent avec le sac à dos plein de gros cailloux et il va falloir déconstruire un peu ce qu’ils peuvent ressentir, aussi bien quand ce sont eux qui sont victimes de harcèlement ou quand ils sont auteurs”. Il partage son temps de travail entre Les cités Unies et Les Aulnes, deux collèges de Combs-la-Ville ; le mercredi matin, il anime des ateliers dans d’autres établissements scolaires. S’il n’a pas de journée type, tant les aléas peuvent être variés dans un collège, son quotidien est rythmé par de la médiation, de la présence en récréation, de la gestion des conflits et de la sensibilisation aux sujets qui concernent les jeunes, comme les cigarettes électroniques, les relations filles-garçon, les discriminations ou les réseaux sociaux.
“Une politique volontariste” du Département de Seine-et-Marne
Julien fait partie des 12 médiateurs pour le climat scolaire déployés dans 24 collèges de Seine-et-Marne, sur les 132 que compte le département. Ils ont été recrutés en juin 2022 afin de répondre à l’une des grandes priorités du Conseil départemental de la Seine-et-Marne : la lutte contre le harcèlement scolaire. Le Département a été accompagné par l’association France Médiation lors de la mise en place du dispositif et les médiateurs suivent des sessions de formation et d’analyse pratique à chaque période de vacances scolaires. Il s’agit du deuxième département après les Hauts-de-Seine à avoir mis en place ce type de métier dans ses collèges.
“On est vraiment sur une politique volontariste”, explique Véronique Laguilliez, sous-directrice jeunesse, réussite éducative et innovation pédagogique de la Direction des collèges, de l’éducation et de la jeunesse (DCEJ) du Département de Seine-et-Marne. Elle souligne l’importance de la complémentarité avec les équipes éducatives en place : “Le médiateur n’est pas un électron libre dans le collège. À chaque fois qu’il intervient auprès d’un jeune, il doit en informer le CPE ou le chef d’établissement. Ils se sont rendu compte que la présence des médiateurs est une plus-value, les retours sont très bons et nous avons beaucoup de demandes.
“Je travaille beaucoup avec les CPE, les chefs d’établissements et avec l’ensemble des professeurs”
Une bonne intégration, confirmée par Julien Courtalon : « Je travaille beaucoup avec les CPE, les chefs d’établissements et avec l’ensemble des professeurs. Je participe aux différentes instances, telles que le groupe de prévention du décrochage scolaire ou certains conseils de discipline, si j’ai suivi les élèves. Plusieurs professeurs principaux m’ont sollicité pour les classes où il y avait beaucoup de tensions entre les élèves. Nous avons travaillé sur des chartes de vie de classe afin que les jeunes fixent leurs propres règles ; ainsi, elles sont souvent beaucoup plus respectées. »
Cette collaboration est facilitée par l’ENT77, l’outil numérique multiservices mis en place par le Conseil départemental, sur lequel la direction et les CPE échangent avec lui via divers pads, qui leur permettent de tenir un suivi de ses interventions, notamment auprès des élèves exclus. En plus de communiquer régulièrement via la messagerie de l’ENT, Julien Courtalon utilise l’Agenda pour consulter les dates des conseils pédagogiques, commissions, bilans ou autres réunions. Les douze médiateurs s’en servent pour demander aux directeurs d’établissements quelles thématiques ils souhaitent aborder dans les ateliers et auprès de quels niveaux. Ils partagent également sur l’ENT77 des documents et des supports d’intervention : « c’est un outil agréable. Nous n’avons pas le droit d’utiliser des clés USB dans les collèges du département, donc ça nous permet d’aller piocher nos ressources directement dans un espace sécurisé où que l’on soit » ajoute Julien Courtalon.
Des médiations, sur la base du volontariat, où la parole est libre et confidentielle
Julien est régulièrement sollicité par le personnel éducatif ou les élèves eux-mêmes pour régler des conflits tant verbaux que physiques. Il peut alors organiser des médiations, sur la base du volontariat, où la parole est libre et confidentielle. Il reçoit d’abord les élèves séparément avant d’organiser un dialogue : “l’important est de savoir comment on en est arrivé là et comment on fait pour éviter de se retrouver de nouveau dans cette situation. J’essaie de semer des petites graines de bienveillance et de leur faire prendre du recul.” La médiation est parfois utilisée comme alternative à une sanction, toutefois Julien Courtalon tient à tempérer : “la médiation n’est pas une baguette magique, il peut arriver que les participants soient de nouveau impliqués dans un conflit, mais généralement, ils me consultent avant que ça dégénère autant que lors de la première intervention.” Évidemment, des sanctions sont imposées lorsque cela est nécessaire, selon la gravité des faits.
Ce travail d’apaisement du climat au sein de l’établissement permet de contribuer à prévenir le harcèlement scolaire. En cela, Julien Courtalon intervient en amont du programme PHARE. Il travaille beaucoup avec les cellules des établissements, il reçoit le plus souvent les victimes, tandis que les enseignants formés s’entretiennent avec les auteurs. “La lutte contre le harcèlement est un tout. L’amélioration du climat scolaire repose sur l’ensemble de l’équipe éducative dont le médiateur fait partie intégrante”, précise Véronique Laguilliez. De plus, les médiateurs se saisissent des projets éducatifs au sein des établissements, en aidant les collégiens à réaliser une vidéo ou une affiche pour le concours national “non au harcèlement”, par exemple, ou en s’impliquant dans diverses initiatives, telles que le défi handicap.
“L’empathie, ça fait partie du quotidien” d’un médiateur pour le climat scolaire
Julien Courtalon a toute une palette d’outils pour enseigner le savoir-vivre aux jeunes. Le médiateur pour le climat scolaire anime divers ateliers. L’un d’eux s’appelle “décompresse”, il est encadré par des enseignants d’EPS et consiste à pratiquer un peu de boxe, suivi d’un débat pour : “sortir toute cette colère qu’ils ont en eux”. Il y a aussi les ateliers “coups de pouce” afin de remobiliser des élèves décrocheurs. “J’ai fait des ateliers de sensibilisation aux attitudes en conflit avec des sixièmes. Nous avons travaillé avec un outil qui s’appelle le théâtre forum pour aborder la gestion de ses émotions, l’attitude en groupe, les différences de point de vue et les rumeurs. Je me sers aussi de la playdagogie, une approche pédagogique qui passe par le sport”, précise-t-il.
Un travail qui semble porter ses fruits, d’après l’un des chefs d’établissement auprès desquels il intervient, et qui estime que sa présence a permis de garder un climat scolaire apaisé. Enfin, Julien Courtalon conclut : “il y a des gros besoins et beaucoup d’attentes de la part des chefs d’établissements. On ne sait pas comment les cours d’empathie vont être mis en place l’année prochaine, mais nous l’empathie ça fait partie de notre quotidien.”
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